J'ai quitté le Decent Hotel au matin, 36$ pour trois nuits.
Suffisament de temps pour comprendre que l'hôtel en lui-même n'était
pas si mal. Finalement, un lit qui ne sent (presque) rien, une salle
de bains qui remplit ses fonctions principales et l'electricité assez
souvent pour pouvoir profiter de la clim la nuit... C'est plus qu'on
ne puisse normalement espérer ici. Et au moins, je n'ai pas VUES de
bestioles.
Donc épopée avec ma valise sur la route jusqu'à l'alliance, sur des
trottoirs rares et pas toujours plats, encombrés de détritus, troués
et rebouchés à l'aide de sac de sable déchiquetés. Un oiseau a chié
sur ma valise et sur mon pied. Voilà le genre de choses qui
progressivement passent de la catégorie "beurk" française à la
catégorie "pas bien grave". Après avoir bien transpiré (il est 9h du
mat) je pose ma valise et me lave le pied. A l'alliance, c'est assez
tranquille, l'endroit est vraiment agréable et bien équipé. De bonnes
conditions de travail.
Le soir, bières au 124. Chères pour le pays! (2$ la bouteille) Rythme
de Britney&co. Iceman nous rejoint et nous parlons de la future
performance de Carine, improvisée Dj pour la fête de l'eau. Elle a 10
jours pour apprendre à mixer...
Ensuite je tente un cybercafé. Il faut savoir qu'il y a de gros
problèmes avec internet en ce moment ; officiellement, le gouvernement
répare des cables sous-marins, placés dans le Golfe du Bengale, et
d'où seraient acheminées les connections. Depuis le mois de mars, tout
le réseau est extrêmement ralenti voir coupé, et tous les jours les
deadlines sont repoussées... Remise en route prévue le 3... Puis le
5... Mais le jour-J Internet en est toujours au même point. Beaucoup
de rumeurs circulent cependant. Peut-être est-ce une tentative de
censure de certains sites... Même si déjà beaucoup sont inaccessibles,
tous les blogs par exemple, d'où mes difficultés pour publier.
Peut-être est-ce pour enrayer une pétition qui circulerait depuis la
Thaïlande pour la libération de la chef de l'opposition. Peut-être
même qu'internet ne reviendra qu'après la fête de l'eau, après le 22
avril. Et dans les oui-dires les plus pessimistes, peut-être jamais!
Voilà donc un rudiment d'apprentissage des préceptes bouddhistes :
l'impermanence et le renoncement, ou la conscience que rien ne dure ni
n'est acquis!!!...
Je dors chez Marine. Dans un renfoncement, un escalier improbable,
étroit, sans éclairage et sale, jusqu'au 7ème. A tâtons, j'ouvre la
porte à battants de fer, et trouve Marine en pleine lecture, installé
sur la terrasse éclairée à la bougie. Elle habite un appartement
gigantesque loué 180$ par mois. Son coloc qui bosse dans une ONG n'est
pas là et me prête son lit, grand, dur comme partout ici, sous une
grande moustiquaire. Décor de film. Aux murs, cartes du pays, photos,
calendrier kitsch montrant deux infirmières birmanes avec un bébé.
Corde à linge tendue au milieu de la pièce, immense, qui parait du
coup assez vide. L'électricité étant revenue dans le quartier, je
bouquine un peu et m'endors au ronronnement du ventilo.
Le réveil est plus musclé! "Moy-Moyyyyy" Cris de la rue, les
ramasseurs de poubelles qui s'annoncent. Mélodies aigûes et
dissonantes des échoppes ambulantes. Grouillement des pigeons et
corbeaux sur les toits. Et la circulation sur les artères, sans
interruption, entre le coeur de Yangon et sa périphérie, écoulements
de taxis, bus, jeeps, camions, un flux bruyant et ininterrompu qui
témoigne de la vitalité de la ville. Je peine à dormir après 6h depuis
mon arrivée...