Paper planes

Ca y est, j'ai atteint le point le plus éloigné de tout ce que je connais. Ici le temps n'existe pas vraiment, puisque je ne suis pas vraiment quelque part : entre coucher et lever du soleil, entre l'occident et l'orient, entre la terre et le ciel...
Ceci dit, cet avion est le plus cool que j'ai jamais pris. Un écran pour chaque passager, avec films, musique, émissions, radios, jeux vidéos, duty-free virtuel et la progression de l'avion en images... Je n'ai pas pu resister et suis restée éveillée. Presque tous les passagers étaient comme moi connectés à leurs écrans. Comme dans un film de science-fiction, ou chacun serait dans sa bulle technologique, sous intraveineuse, s'explosant les yeux et le cerveau individuellement en attendant l'arrivée de la navette spatiale sur une planète éloignée...
Dehors, il fait -52°C. Nous contournons l'Irak vers les émirats arabes. La terre au-dessous est dans l'obscurité, et les villes survolées luisent comme les braises de feux mal éteints. Dubaï-1h. L'horizon s'éclaircit en fin. Au loin, un orage minuscule, silencieux. Le jour se lève à nouveau, contrariant mon horloge interne. On voit des choses magnifiques à cette altitude, mais je ne prends pas de photos car elle seraient j'en suis sûre décevantes.
Descente, 6h30. Ca sent déjà l'été bien que le hublot soit émaillé de cristaux de gel... J'attrape au passage un aperçu des fameuses îles artificielles et de la plus haute tour du monde.

Aéroport de Dubaï : la grande classe, avec des horloges Rolex tous les 100 m, des palmiers, des salles de prières, des toilettes PROPRES et des "smoking room" ou les fumeurs apparaissent, à travers la vitre, à peu près autant que des poissons rouges dans un bocal d'eau inchangée depuis trois mois.

Second avion, direction Bangkok. On est en pleine journée et je suis totalement explosée. L'avion est assez vide, je vais peut-être pouvoir dormir un peu.

Arrivée à Bangkok. L'aéroport de Bangkok Suvarnabhumi est énorme, tout en longueur et en hauteur, soutenu de structures métalliques et parcouru de tapis roulants "bottes de sept lieux". J'ai cru qu'il faisait chaud en sortant de l'avion, mais j'ai revue mon opinion en sortant de l'aéroport. L'air est asphyxié, lourd, il stagne en nappe moite que je traverse en tentant d'y capter quelques molécules d'oxygène. Minibus climatisé jusqu'à l'hôtel. Il fait toujours très chaud, bien qu'on soit (déjà) en début de soirée. Valises dans la chambre, je ressors 1/4 d'heure dans le marché d'à côté. C'est bizarre de croiser tous ces gens, si différents de moi, ils me dévisagent ; ils savent où ils vont, ce qu'ils font, je ne fais qu'errer. Je m'assois un instant à un arrêt de bus fait de planches et d'un vieux canapé. Désoeuvrée, je retourne à l'hôtel dans la salle internet. Je rencontre John, un américain soixantenaire qui me demande de l'aide pour se connecter à ses emails. Il m'offre de boire un verre au restau de l'hôtel. Je sirote un demi litre de coca frais pendant qu'on discute. Il est drôle et interresant. Me raconte Reedsport dans l'Oregon, la CIA, le Vietnam, Chang maï, la Birmanie, ses nièces, soeurs, ses voyages. Il me montre des cicatrices obtenues à la pêche et me donne des conseils. Les geckos sont partout, curieuses bestioles molles et albinos qui cacquettent comme des petits oiseaux. Je vois aussi un crapaud nonchalant tentant de tirer de la fraîcheur d'une dalle de pierre sur laquele son ventre pustuleux s'étale.
John rentre demain aux USA et me donne de la crème solaire, de l'anti-moustique, des Smectas et de la vitamine C. Grâce à lui, j'ai également appris à dire sauterelle en anglais, "grasshopper" (il m'a raconté comment ils les attrapait à mains nues dans les champs en Inde avant de les gober).
Ensuite une douche qui me semble le paradis, je la fais plutôt chaude ; je baisse la clim dans la chambre. Autant m'habituer le plus vite possible.
Le lit est très dur. Trois heures restantes pour tenter de me reposer.
A la télé, une émission people avec trois trans thaïlandais.

1 commentaires:

Camille M. a dit…

Ton périple semble si inconcevable de réalité, comme un livre de voyage qu'on lirait goulûment en se disant qu'un jour aussi on la vivra cette aventure. Tu dois vivre des choses tellement fortes, et si déroutantes. Mais je sais cette force en toi, cette capacité incroyable à t'adapter en toutes occasions, à vivre intensément chaque moment, une philanthrope baroudeuse.
Je suis sûre que, malgré quelques moments de doutes que tu vivras certainement, tu vas apprendre de cette culture différente, de ces croyances, de ces coutumes.
Nous disions en philo que la Chine à l'ONU avait rétorqué, plus ou moins honnêtement dirons-nous, lorsqu'on l'accusait de ne pas appliquer les Droits de l'Homme, que ces droits n'étaient au final "qu'un luxe de pays développés". Tu es le pays développée, et tu es aussi bien maintenant dans ce pays sous développée, et je suis certaine que tu apprendras de ces pays où les droits de l'homme ne sont en rien une évidence.
J'ai toujours cru en toi, et aujourd'hui plus que jamais.


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